La Legende du Dernier Cerulean - I - 4 (fr)

Une nouvelle piste

Cela faisait plusieurs longues minutes que nous étions arrivés chez le Dr. Arkman. Rien ne semblait se passer, le maître des lieux était endormi si profondément qu'il semblait être mort. Bien que l'activité de la ville continuait même durant la nuit, l'appartement était toujours silencieux.
Cette situation me mettait sur les nerfs, aussi fouillais-je l'habitation pour passer le temps. Je trouvais assez rapidement son bureau, recouvert d'un tas confus de livres, de feuilles ou de bouteilles vides. Je pris l'une des feuilles et décidai de la parcourir rapidement.
Celle-ci racontait un rêve que ce M. Arkman (apparemment prénommé David) avait fait il y a quelques semaines :

J'ai encore fait un de ces rêves bizarres hier, bien que sa teneur semble moins terrible que le précédent, aussi je ne redoute pas de simplement m'en remémorer pour en coucher le contenu sur papier, du moins, pas autant que pour les autres.

Je me trouvais dans un étrange paysage aride, recouvert d'une poussière grise à perte de vue. Le ciel était totalement noir, et non cette couleur bleutée que la nuit a habituellement, bien que les étoiles y soient parfaitement visibles.

Comme dans chacun de mes rêves, je ressens une impulsion, un besoin de me déplacer. Je n'ai pas la moindre idée de là où je vais, mais j'y suis attiré comme un morceau de fer est attiré par un aimant.

Après avoir marché un temps que je n'arrive pas à estimer -sans doute parce que c'est un rêve-, je finis par me sentir tout à coup attiré vers le bas.

C'est alors que je me sens m'enfoncer dans le sol. Je ressens à la fois une peur terrible et une envie morbide de descendre. Mais indépendamment de mes sentiments, je suis tiré à travers le sol, jusqu'à ce que je me retrouve dans une grande grotte.

Là, l'obscurité est complète. Je n'arrive même pas à distinguer mes propres mains dans les ténèbres ambiantes. Cependant, après un moment, je commence à distinguer une lumière -ou est-ce mes yeux qui s'habituent aux ténèbres ?-, mais qui reste trop diffuse pour que je voie ce qui m'entoure réellement, bien que je puisse apercevoir des formes étranges se déplaçant dans l'obscurité.

C'est alors que la lumière devient plus nette. Je peux alors voir clairement ces formes tordues, étranges, anormales... c'est comme si elles ressemblaient à une ébauche d'être vivant abandonnée en cours de route. Je peux aussi voir là où je me trouve : c'est une grande bibliothèque, remplie de livre allant à perte de vue dans toutes les directions. Les dimensions même de l'endroit ont quelque chose de trop grand pour que je puisse réellement y faire face. Juste regarder tous ces livres me donne le vertige.

Le rêve se termine de la même manière qu'à chaque fois : toutes les... choses se jettent sur moi. Alors qu'elles m'agrippent toutes, la même force qui m'avait mené ici-bas m'attire à nouveau, d'une manière si intense, si irrésistible que même la multitude de créatures ne parvient pas à me retenir.

Comme à chaque fois, je suis alors attiré par un objet que je ne parviens pas à distinguer, de plus en plus vite, si bien qu'à la fin je vole entre les bibliothèques à une vitesse vertigineuse.

Finalement, je sens que j'y suis : je me sens rentrer en contact avec cet objet qui m'entraînait ainsi, et aussitôt un sentiment de plénitude m'envahit... mais en même temps je me sens m'effacer. Lorsque je me regarde moi-même, je constate avec horreur que je disparais peu à peu ! Et le pire est que mes émotions disparaissent à leur tour, si bien que je n'arrive même pas à réellement avoir peur, du moins jusqu'à ce que je me réveille en sursaut le matin.

Je ne sais plus quoi faire. Devrais-je consulter un spécialiste ? Ces rêves pourraient juste être de banals délires dûs au stress, mais ils sont trop réalistes, et je m'en rappelle toujours trop nettement le lendemain...

Je reposai le papier où il était, troublé. Les rêves de cet homme étaient définitivement étranges, voir même carrément anormaux.
-Dis, Allan... commençais-je.
Cependant celui-ci était visiblement occupé avec le Dr. Arkman endormi : il l'observait d'un air attentif, scrutant en même temps un petit appareil qu'il avait posé sur le crâne du dormeur. Toute une série de caractères, de graphes et d'autres informations s'affichèrent sur l'appareil et aussitôt Allan saisit David Arkman par les épaules et le secoua de toutes ses forces.
-David Arkman ! M'entendez-vous ?! Lui demanda-t-il.
-Que... où suis-je... répondit-il, en s'éveillant à moitié, le regard perdu dans le vide.
-C'est précisément ce que je veux savoir. Répondez-moi donc, M. Arkman : reconnaissez-vous l'endroit où vous vous trouvez ?
-N...non... tout est gris. Il n'y a rien d'autre que de la poussière.
-Hum... que voyez-vous dans le ciel ?
-Je vois que le ciel est noir... mais on y aperçoit tout de même des étoiles... et une étoile qui brille presque autant que le soleil...
-Essayez de suivre ma voix, M. Arkman. D'où viens-je ?
-Je... je vous entends loin au-dessus de moi... je vois une sphère bleue-blanche dans le ciel... mais est-ce que... attendez, est-ce que c'est la Terre ?
-La Terre ? Alors c'est bien ce que je pensais... alors elles se situent réellement là-bas.
-Je... je ne comprends pas... j'ai déjà fait ce rêve avant, mais quelque chose semble changer... quelque chose vient de partir de cet endroit et se dirige vers la Terre...
-Attendez. A quoi cela ressemble-t-il ? Demanda le voyageur temporel, l'air anxieux.
-Je ne l'ai pas vue distinctement, mais on dirait une femme aux cheveux verts...
-Vite, il faut partir ! Me cria Allan. Elle nous a retrouvés !
Il versa rapidement un verre d'eau sur le visage du Dr. Arkman, le réveillant aussitôt de son état de torpeur.
Nous emballâmes précipitamment nos affaires, David Arkman ne comprenant pas encore très bien la situation.
Nous nous préparions à partir, quand un grand bruit se fit entendre à l'intérieur du bâtiment.
-Les escaliers de secours ! Cria Allan, paniqué.
Nous nous précipitâmes vers la sortie, et dès que nous étions sortis par l'autre porte nous entendîmes l'entrée voler en éclat. Nous étions à mi-chemin dans les escaliers lorsqu'un autre bruit se fit entendre : la sortie de secours n'avait visiblement pas fait long feu non plus.
Un bruit se fit entendre. Le bruit d'un morceau de métal se faisant sectionner. Je ne compris pas aussitôt ce qui était arrivé, mais la chute brutale de l'escalier me fit comprendre que c'est l'escalier lui-même qui avait été tranché, et qu'il s'effondrait donc.
Allan était déjà en bas avec Arkman, mais pour moi, la chute était bien trop grande. Je ne m'en ressortirais pas sans me casser quelque chose.
Je ne réfléchissais plus. C'est comme si j'agissais par pur instinct, et avant même que je ne m'en rende compte j'étais en bas, sans le moindre problème.
Allan et David Arkman me regardaient d'un air sidéré.
-Stranz... viens-tu de... littéralement courir le long de ce mur en chute libre ? Me demanda Allan.
-Huh, vraiment ? Je ne comprends moi-même pas vraiment ce qui s'est passé, lui répondis-je, peu sûr de moi.
Maintenant que j'y repensais, en effet, je venais de courir vers le bas le long du mur afin de prendre appui sur celui-ci au dernier moment et éviter de subir la chute de plein fouet. Une telle acrobatie aurait facilement pu rendre les choses encore pire qu'elles ne l'étaient à l'origine. Comment se fait-il que mon instinct m'ait poussé à accomplir une action aussi risquée ?


Mes pensées furent interrompues par Allan, qui se hâta de repartir. Peu désireux d'avoir à combattre la Gardienne du Temps, je le suivis sans attendre.
-Au moins je sais où il va falloir nous rendre, dit Allan. Mais pour y arriver, on va devoir passer par un coin paumé dans les montagnes... mais on approche du but !